“La créativité dans son cahier est très stimulant et porteur de vie”
Créativité, introspection et exutoire : découvre la méthode développée par Anne-Marie !
La première fois que j’ai entendu parler de Journal créatif® c’est lorsque je cherchais des synonymes français du terme art journal pour créer le site internet de L’Âme du Fait-Main.
J’avoue qu’à l’époque je n’avais pas fouillé davantage le concept du Journal Créatif® pensant que ce n’était qu’un simple art journal.
Ce n’est qu’en début de cette année 2020 qu’une Créanaute (membre du groupe Facebook de la communauté de L’’Âme du Fait-Main) m’a dit adorer le travail d’Anne-Marie Jobin dans ses carnets. C’est à ce moment-là que j’ai compris les subtilités entre un simple art journal et un journal Créatif® et que j’ai décidé de prendre contact avec sa créatrice.
J’ai eu l’honneur de converser avec Anne-Marie en personne lors d’une visioconférence en juin dernier, au cours de laquelle elle a gentiment accepté de vous présenter son approche des carnets créatifs grâce à cette interview.
Présentation
Bonjour Anne-Marie !
Aujourd’hui tu es reconnue dans le monde des carnets créatifs pour avoir développé la méthode Journal créatif® ainsi que sa transmission à travers tes ouvrages et l’école Le Jet d’Ancre.
Mais avant d’en arriver là, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur toi et ton parcours de vie ?
Je suis née dans la ville de Québec, dans une famille de 5 enfants. J’ai toujours aimé écrire et dessiner et j’ai commencé à tenir un journal à l’âge de 13 ans. C’était un journal seulement écrit, je ne pensais pas qu’on pouvait utiliser le dessin spontanément, juste pour s’exprimer.
J’ai mis 14 ans avant d’oser dessiner dans mon cahier. Même après cela, ce fut un long parcours avant que mon journal ne devienne vraiment créatif, mais il m’accompagnait et m’aidait quand même. J’essayais de voir clair, de rester connectée à ce qui avait du sens pour moi, de prendre les bonnes décisions.
D’un autre côté, j’ai réalisé rapidement que j’aimais les humains marginalisés – et je cherchais à être utile. Cela m’a menée à étudier en Travail Social et j’ai travaillé une dizaine d’années dans des associations de personnes handicapées, d’immigrants et réfugiés. Mais l’aspect créativité me manquait. J’étais un peu perdue, je travaillais puis je partais en voyage, je n’arrivais pas à trouver mon chemin.
En 1990, alors que j’habitais à Vancouver, j’ai découvert le dessin spontané dans le journal par le biais d’un livre de Lucia Capacchione, art-thérapeute étasunienne. C’est ce livre qui m’a aidée à débloquer au niveau du dessin, et ça m’a tellement fascinée que je suis allée faire la formation en art-thérapie, au Vancouver Art Therapy Institute. Ce fut un vrai point tournant, mais je séparais encore le journal écrit du processus d’expression par l’art qui se faisait surtout sur des grandes feuilles durant ma formation.
Après celle-ci, je suis rentrée au Québec et j’ai mis 4 années encore avant de trouver mon chemin. Je ne voulais pas faire de la thérapie clinique, j’étais dans la trentaine, je ne savais pas où m’installer ni quoi faire.
Tout s’est éclairé en 1998 à la fin des 12 semaines de pages du matin tel que suggéré par Julia Cameron dans son livre « The Artist’s Way ». J’ai compris que je voulais développer une méthode de journal intime qui irait vraiment chercher les forces de l’art-thérapie mais aussi de l’écriture créative et la créativité, en dehors d’un cadre thérapeutique. Tout s’est enchaîné après cela.
J’ai maintenant 2 enfants (déjà grands) et mon entreprise va bien. Je vis à la campagne à 1 h de Montréal et j’ai un grand atelier dans la petite ville à côté de chez moi (Granby). C’est là où je travaille et reçois mes groupes.
Depuis quand as tu cette relation singulière avec les carnets et ta créativité ? As tu eu des déclics aux cours de ta vie, ou est-ce quelque chose qui a toujours été là ?
Quand j’ai commencé, on était en 1976.
Mon journal était important, il m’accompagnait, il m’aidait à voir plus clair, écrire dans mon cahier me faisait du bien. Je m’en servais beaucoup.
Puis j’ai suivi 2 ateliers de Journal intime intensif de Progoff en 1989 et j’ai découvert le pouvoir du dialogue, le travail avec les « images en pénombre », les rêves – et j’ai intensifié ma pratique.
Comme expliqué précédemment, un des déclics importants fut en 1990, quand j’ai ajouté le dessin à mon journal, et puis la formation en art-thérapie, de 92 à 94, qui m’a ouverte sur le pouvoir incroyable de l’art.
L’autre déclic fut en 1998 quand j’ai compris ce que j’allais faire de toutes ces connaissances et expériences. Les choses ensuite ont suivi leur cours.
Mon journal ne m’a pas quittée depuis l’âge de 13 ans, j’ai 170 cahiers à l’heure actuelle (j’en remplis 4 à 6 par année). Il a donc toujours été mon allié et il l’est plus que jamais. Il m’est utile à chaque étape. Je dirais que ce qui a changé c’est la façon de le faire, et ça continue de changer. C’est vivant et ça suit mes étapes de vie et mes découvertes.
Au cours de tes articles et de tes vidéos, tu exprimes souvent le fait que le processus créatif d’une page d’art journal te procure un mieux-être.
Comment considères-tu tes carnets ? Comme des confidents, des exutoires, … ?
Je considère surtout mon journal comme un outil de connexion.
A quoi je me connecte ?
À la part plus profonde ou plus vaste de moi – mon inconscient, ma vie intérieure, ma vraie nature – on peut appeler ça de toutes sortes de manières…
C’est cette connexion qui me libère de mon stress et ma souffrance, de toutes les histoires que je me raconte. C’est comme si je me dégageais un peu de mon ego, ma personnalité habituelle, mes perceptions.
Tout ce qui me stresse est une occasion d’explorer ce qui se passe pour me dégager. Et ça marche. Alors plus je pratique, plus j’en ai envie.
Ça me donne de l’air ! Quand les gens me disent que j’ai de la discipline, je ne trouve pas que ça colle – j’en ai besoin, c’est tout. Sinon je suis comme une toupie sans son axe. Alors je pratique.
Oui c’est un exutoire, mais c’est surtout une façon de me connecter à ma clarté, mes ressources intérieures, mes réponses.
Ton univers artistique
Dans mes interviews je suis toujours curieuse de savoir quelles sont les sources d’inspirations et le matériel qu’utilisent mes invités ^-^
Du coup Anne-Marie, quel est ton support de prédilection et ton matériel favori ?
Je varie les sortes de cahiers.
J’aime les cahiers mixed media de temps en temps, quand j’ai envie de travailler avec plus de peinture ou des encres par exemple, mais j’aime aussi beaucoup les cahiers vraiment ordinaires.
Je n’ai alors aucun souci esthétique ou presque, c’est le processus qui compte, le fait que j’arrive ou pas à me connecter à ce qui a du sens.
Pour le matériel, j’aime la variété – j’aime pouvoir jouer avec des crayons plus gras, de l’eau, faire couleur, coller différents papiers, déchirer, ouvrir des portes… c’est très varié.
Et qu’est-ce qui t’inspire au quotidien pour pouvoir proposer autant de nouvelles techniques et autre processus créatif ?
C’est surtout ma pratique qui m’inspire.
Mais il y a aussi des auteurs, des livres, différentes approches que je découvre et qui nourrissent ma pratique. Aussi des cours que je prends. Tout ce sur quoi je tombe devient du journal créatif dans mes mains.
Par exemple, si je lis sur une technique de pleine conscience, je vais me demander comment la transférer dans mon journal, je vais expérimenter, et parfois ça va devenir quelque chose que j’insère dans mes ateliers.
Beaucoup de livres ne présentent que des exercices d’écriture. J’aime bien y ajouter du dessin et du collage et voir comment je peux pousser plus loin.
D’autre part, beaucoup de techniques artistiques restent au niveau technique – et moi j’aime y ajouter un aspect introspectif. C’est ça qui est magique pour moi – créatif et introspectif mêlés. Tout cela finalement est très stimulant, et puis c’est infini, on peut toujours inventer du nouveau !
As-tu une routine créative ou au contraire suis tu ton flow ?
J’ai une pratique quotidienne, mais pas nécessairement toujours à la même heure ni routinière. Je m’ajuste avec mes autres activités.
En général je suis mon besoin du moment mais il m’arrive de pratiquer quelque chose plus intensivement durant une période. Je peux avoir une période où je fais sans cesse des collages par exemple, ou une autre où je commence toujours par faire couler de l’encre sur ma page puis je travaille entre les taches. Je ne pourrais pas dire cependant que je reste longtemps avec la même routine. Ça varie beaucoup.
L’école Le Jet d’Ancre
J’adore le nom que tu as trouvé pour cette école qui te permet de transmettre ton art et ta méthode. C’est un joli jeu de mot que je trouve très pertinent, car pour moi aussi mes carnets me permettent d’encrer / ancrer pas mal d’émotions et de souvenirs. Et j’aime beaucoup la philosophie que tu transmets à travers ta méthode “visant à favoriser une connexion intime à soi-même, pour une vie plus satisfaisante”.
C’est par le Journal Créatif ® que tu as investi l’univers des carnets créatifs. Pourrais-tu nous en dire davantage sur cette méthode ? Comment tu as fait pour la développer ? Et ce qu’elle apporte aux pratiquants ?
Voici la définition « officielle » :
“Le Journal Créatif® est un journal intime non conventionnel, un outil d’exploration de soi qui allie les mondes de l’écriture, du dessin et du collage de façon originale et créative. Cette méthode s’appuie sur des notions de psychologie, d’art-thérapie, de journal-thérapie et de créativité ; elle s’inspire aussi de multiples techniques d’écriture créative et d’autres techniques issues du journal d’artiste. (…) Ce journal créatif a pour objectif non pas l’acquisition de capacités littéraires ou artistiques, mais plutôt le développement général de la personne. C’est un outil facile à utiliser et accessible à tous.”
Je vous suggère de visionner cette vidéo, qui vous donnera plus de détails :
En naviguant sur le site internet de ton école, j’ai découvert de nombreux ateliers en ligne et pas uniquement basés sur la méthode Journal Créatif®, comme “le carnet de deuil”, “les alliés intérieurs” ou encore “le journal d’artiste”. Ce ne sont pas toujours des thématiques faciles à aborder…
Est-ce tes connaissances en art thérapie que te permettent de proposer et d’accompagner les participants aux cours de ces ateliers ?
Je ne travaille pas dans un cadre thérapeutique mais j’offre un cadre sécurisant, où les personnes sont libres de faire les exercices comme elles le souhaitent, de les interrompre si elles ne veulent pas pousser plus loin, etc…
J’ai une façon de fonctionner qui « contient » le processus afin que ça ne déborde pas. Mes connaissances en art-thérapie font partie de moi, mais ce ne sont pas des ateliers d’art-thérapie que je propose. C’est plutôt du développement personnel, où on peut travailler sur nos émotions, notre stress, etc… Mais toujours en allant aussi chercher nos forces et en stimulant la créativité, ce qui fait que c’est varié et pas trop lourd.
L’atelier « carnet de deuil » a été développé par Nathalie Hanot, qui est psychologue. La démarche est très cadrée et on prend moins de monde. Ce n’est pas « typiquement » du journal créatif, c’est une démarche particulière.
L’école permet aussi d’apprendre la méthode Journal Créatif® pour l’enseigner par la suite. Quelle est ta relation avec tes élèves et les ateliers qu’ils/elles proposent par la suite ?
J’adore former des gens – et toute cette notion de cadre de travail dont je parlais ci-dessus fait partie de la formation. Pour moi c’est fabuleux de transmettre la méthode et voir ce que les autres en font.
Je compare souvent le Journal Créatif à un arbre aux multiples branches de toutes sortes de couleur – alors les personnes formées développent leur branche et ainsi la méthode peut toucher plus de gens, dans toutes sortes de milieux. Je reste aussi en relation avec plusieurs par de la formation continue, ainsi que par des communications variées (groupe Facebook, forum, etc… ).
Comment commencer ?
Beaucoup de mes lecteurs et des membres de ma communauté n’ont pas encore osé révéler leur créativité dans un carnet. Ce n’est pas toujours un exercice facile de se livrer dans un carnet, même s’il n’y a personne d’autre pour le savoir.
Anne-Marie, quels seraient tes conseils à une personne qui s’intéresse aux carnets créatifs pour qu’elle ose enfin se lancer dans cette aventure ?
Commencer simplement.
- Comment je me sens en ce moment ? le dire avec les 3 langages du journal créatif : quelques mots, une image, des couleurs.
- Utiliser des déclencheurs : faire une tache avec de l’encre, coller une image, coller 3 mots découpés dans un magazine et commencer.
- Prendre un atelier ! ça aide vraiment à démarrer et à comprendre comment se promener d’une technique à l’autre.
- Se donner le droit d’explorer, d’essayer, de faire des pages ordinaires ! Tout fait partie du processus.
- Jouer dans son journal, ne pas prendre le processus trop au sérieux.
- Dédier un coin à son journal avec des crayons disposés dans des contenants attrayants – quelques magazines et des ciseaux.
Portrait chinois
Pour te connaitre d’avantage, pourrais-tu nous dire si tu étais :
- Une couleur : les couleurs primaires !
- Un élément : l’eau
- Un animal : une loutre
- Un carnet : sans lignes, avec du papier recyclé et texturé
- Un stylo / feutre : un pentel brush pen
- Une citation : Qui serais-tu sans ton histoire ? Byron Katie
- Une chanson : What a blessed life – Kirtana
- Un plat cuisiné : une tarte à l’oignon
- Une super héroïne : Mafalda ou Lucy (Charlie Brown)
Le mot de la fin / et maintenant ?
Cette année tu viens de publier “le nouveau journal créatif”. Quelle est la différence avec ton précédent ouvrage ?
C’est la 3e version de ce livre (2002, 2010, 2020).
En 2010 j’ai ajouté un historique, une section sur le collage et beaucoup d’exercices. En 2020 j’ai ajouté 8 techniques, 2 voies d’accès à la vie intérieure, et revisité / ajusté / mis à jour tout le texte.
J’ai 5 autres livres, vous les trouverez tous décrits sur le site.
Enfin tu proposes de nombreux stages et ateliers d’ici la fin de l’année. Pourrais-tu nous en dire plus sur ton actualité et tes projets ? Un scoop 😉 ?
Chaque année il y a 2 groupes de formation, un au Québec et un en Europe. C’est en cours (le groupe du Québec commence en septembre). On a plusieurs cours en ligne cet automne (voir le site, page Calendrier), le plus récent étant celui qui s’appelle « Démystifier le journal d’artiste ».
Je travaille aussi sur un nouvel atelier « Journal Créatif et le Travail de Byron Katie », qui aura lieu en septembre au Québec et en principe aussi en Bretagne en avril 2021. Combiner le Travail de BK au journal créatif est un projet que je porte depuis plusieurs années, je suis bien contente de le concrétiser.
Le prochain cours en ligne que nous allons développer en est un sur la nature et le Journal Créatif.
Je travaille aussi sur un prochain livre qui portera sur le monde de la nuit (les rêves, les états de la nuit, les insomnies, etc.).
As-tu un mot pour la fin ?
Tout d’abord, merci pour cet échange, ce fut un plaisir de se connaître un peu !
Ce que j’aimerais dire pour terminer c’est qu’il ne faut pas se laisser intimider par cet outil, pas besoin de savoir dessiner, écrire, « faire de l’art »… l’idée est d’avoir un cahier personnel où on peut se poser et tenter de sentir notre vie de l’intérieur…
Le fait d’avoir de la créativité dans son cahier est très stimulant et porteur de vie – c’est une pratique qui vaut la peine… et où qu’on se trouve dans notre vie (émotionnellement et techniquement !) – c’est toujours l’endroit parfait où débuter.
Je vous souhaite à tous et toutes de riches explorations !
Et pour finir, où peut-on te trouver ?
Sur internet : https://journalcreatif.com/
Sur Facebook : https://www.facebook.com/EcoleLeJetDAncre
Et sur Youtube : https://www.youtube.com/user/EcoleLeJetdAncre
Merci beaucoup Anne-Marie pour cet échange très enrichissant !
Tes mots et ta simplicité guident facilement les personnes à cette pratique très complète et propice au bien-être.
Et toi cher lecteur ou lectrice, quelle relation as tu avec tes carnets et ta créativité ? Et qu’est-ce que tu souhaites maintenant explorer ?
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